Rendements sur les marchés privés : comprendre la courbe en J
Les fonds d'actifs privés génèrent des flux de trésorerie et affichent des profils de rendement différents de leurs homologues du marché coté. En voici les termes clés.
Qu’est-ce qu'une courbe en J ?
Le terme « courbe en J » désigne le profil de rendement des investisseurs dans des fonds classiques d'actifs privés, à capital fermé et à durée de vie déterminée.
Dans les premières années de l'existence d’un fonds, les flux de trésorerie sont généralement négatifs, car les frais de gestion sont facturés pendant que le capital est appelé et investi, et avant que la création de valeur ne soit réalisée dans les actifs sous-jacents.
Avec le temps, les rendements du portefeuille sous-jacent devraient devenir positifs. La dynamique devrait s’accélérer dans les dernières années de la vie du fonds, à mesure que les gérants commencent à réaliser des gains (moment où la plupart des investissements sont réalisés et où le fonds restitue des capitaux aux investisseurs) et que les événements de sortie et les distributions deviennent plus fréquents.
Il peut alors en résulter un profil de rendement semblable à une crosse de hockey, appelé courbe en J (voir le graphique).
Il est important de comprendre ce modèle, qui ne doit pas être confondu avec une sous-performance. Il souligne la nécessité d'une projection à long terme et d’une perspective d'avenir lorsqu’on investit sur les marchés privés.
Profil de flux de trésorerie et de rendement du Private Equity
Les performances passées ne préjugent pas des performances futures. Source : Schroders Capital, 2024. Le graphique n’est fourni qu'à titre d’illustration. Les prévisions et les estimations peuvent ne pas se réaliser. 1. Multiple par lequel l’argent remboursé à l’investisseur dépasse l’argent versé au fonds.
Comment cela fonctionne-t-il pour les fonds evergreen et cotés en bourse ?
La situation est très différente pour les fonds ouverts evergreen ou semi-liquides, comme les fonds d’actifs à long terme au Royaume-Uni (LTAF) et les fonds d’investissement à long terme européens (ELTIF).
Ces fonds disposent déjà d’un portefeuille d’investissement qui a eu le temps de générer de la valeur et des distributions, et n’ont pas de date de fin fixe, puisque le capital des souscriptions en cours est utilisé pour financer de nouveaux investissements de portefeuille. De ce fait il n’y a pas de période de flux de trésorerie négatifs : l'effet de la courbe en J disparait alors. D’ailleurs, les nouvelles souscriptions sont essentiellement « investies » dès qu’elles sont acceptées dans le fonds, ce qui signifie que les investisseurs bénéficient d’une exposition immédiate à la classe d’actifs.
Les fonds d’investissement cotés, en revanche, sont à capital fixe : le portefeuille est donc autonome et autofinancé, et les investisseurs achètent et vendent simplement des actions de la société, comme n’importe quelle autre action publique. Leur rendement repose sur l’évolution du cours de l’action et sur les dividendes versés au fil du temps.
Cela implique que même si les rendements sont, en fin de compte, déterminés par la qualité et la performance du portefeuille, ils ne sont pas directement liés à sa valeur, comme le soulignera tout gérant de fonds d'investissement dont le cours de l’action reflète une décote par rapport à la valeur du portefeuille. Il n’y a donc pas non plus d’effet de courbe en J, et l’exposition à la classe d’actifs est également immédiate.
Comment les rendements des fonds d'actifs privés sont-ils mesurés ?
Après avoir couvert le profil de rendement d’un fonds d'actifs privés, il convient d’aborder les différentes façons dont l'étendue des rendements peut être mesurée sur la durée de vie d’un investissement. Voici quelques termes clés à comprendre :
Valeur liquidative
Il s’agit simplement de la juste valeur de marché du portefeuille du fonds à un moment donné, après déduction de son passif. C'est ce chiffre que tous les fonds de marchés privés utilisent pour indiquer la valeur absolue des actifs investis.
Dans le contexte des fonds d’investissement, ce chiffre sert de point de référence afin demontrer la prime ou la décote à laquelle les actions se négocient (prix de l’action par rapport à à la valeur liquidative par action). Les fonds semi-liquides, en revanche, sont évalués à la valeur liquidative des actifs sous-jacents, ce qui correspond au niveau auquel les investisseurs achètent (souscriptions) et vendent (rachats) dans et hors de ces fonds.
TVPI, MOIC et DPI
La mesure la plus simple pour évaluer la performance d’un fonds de marchés privés consiste à comparer la valeur totale qu’il a générée, en tenant compte à la fois les rendements réalisés et la valeur des actifs non réalisés, au capital investi.
Cette mesure peut être exprimé soit par le ratio de la Valeur totale sur le capital investi (Total Value to Paid In ou TVPI, mesurée par rapport au capital apporté au fonds par l’investisseur à un moment donné), soit par le multiple sur capital investi (Multiple On Invested Capital ou MOIC, mesuré par rapport à la valeur totale de l’engagement pris par l’investisseur). Les deux indicateurs sont présentés comme un multiple du capital placé. Ainsi, un rendement de 2x signifie que l’investisseur a récupéré le double du montant qu’il a investi.
Un indicateur connexe, mais différent, est le ratio des distributions sur le capital versé (Distributions to Paid-In, DPI). C'est une mesure de rendement clé pour les fonds privés à capital fixe traditionnels, qui reflète le montant du capital investi qui a réellement été redistribué aux investisseurs à un moment donné. Il s'exprime également sous la forme d’un multiple.
Tous ces chiffres reflètent la valeur absolue générée par un fonds, mais ne sont pas ajustés en fonction de la période au cours de laquelle cette valeur a été réalisée.
TRI
Le TRI, ou Taux de rendement interne, est l'indicateur le plus souvent cité pour évaluer la performance du capital-investissement. Il s’agit d’un calcul qui vise à déterminer le taux annualisé des rendements générés sur la durée de vie d’un fonds, exprimé en pourcentage. Ainsi, si deux fonds génèrent tous deux un multiple de rendement de 2x (MOIC), mais que le fonds A atteint ce multiple sur cinq ans tandis que le fonds B l'atteint sur huit ans, le fonds A aura alors un TRI plus élevé.
Différents fonds cibleront des TRI différents en fonction du niveau de risque associés aux investissements et de l’horizon temporel sur lequel les rendements sont générés.
Par exemple, un fonds secondaire traditionnel, qui achète des participations d’investisseurs dans des fonds de private equity existants, génère souvent des flux de trésorerie plus précoces et a généralement une durée plus courte qu’un fonds de rachat direct, car il est investi dans des actifs déjà relativement matures. Ainsi, il pourrait générer des rendements absolus plus faibles et avoir un multiple de rendement proportionnellement inférieur, et néanmoins avoir un TRI plus élevé. Compte tenu des flux de trésorerie plus précoces, les investissements secondaires peuvent également être utilisés par les gérants ou les investisseurs pour atténuer l’effet de la courbe en J d’un portefeuille de capital-investissement plus large.
Le TRI présente l'avantage d'être largement utilisé dans l’industrie et, comme il est annualisé, il fournit une mesure de l’efficacité de la performance au fil du temps. En revanche, le TRI est une mesure quelque peu abstraite qui ne reflète pas avec précision les rendements réels de la même manière qu’un simple multiple de rendement.
TWR
Le Rendement pondéré dans le temps, ou TWR (Time-weighted return), est un chiffre bien connu dans le monde de l’investissement sur les marchés publics, et il est particulièrement pertinent pour les fonds semi-liquides du marché privé. Pour le dire simplement, il s’agit d’une mesure de la performance composée sur une période définie (elle peut donc être exprimée trimestriellement, annuellement et ainsi de suite) et exprimée en pourcentage.
La différence majeure entre le TWR et le TRI réside dans le fait que le TWR est mesuré sur plusieurs périodes et est ajusté pour éliminer l’impact des flux de trésorerie des investisseurs, comme dans le cas des fonds semi-liquides, des souscriptions et des rachats d’investisseurs.
Cela signifie que le TWR isole efficacement la performance déterminée par les décisions d’investissement du gérant, ce qui stimulerait les rendements des investisseurs, sans aucune distorsion liée au calendrier des entrées ou des sorties de flux de trésorerie. Cependant, de par sa nature, le TWR est un reflet moins direct de la rentabilité d’un fonds sur une période donnée. Il est donc moins couramment utilisé dans les fonds traditionnels à capital fixe et à durée limitée.
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